Drame à Grande-Synthe : qu'est-ce que le site Coco, cette messagerie en ligne au cœur du guet-apens ?

par JC avec AFP
Publié le 20 avril 2024 à 11h03, mis à jour le 29 avril 2024 à 16h42

Source : TF1 Info

Le guet-apens dont a été victime Philippe, un homme de 22 ans tué à Grande-Synthe (Nord), aurait été organisé par l'intermédiaire de Coco.
Ce "site de chat sans inscription" regorge d'agresseurs en tout genre, dénoncent des associations.
Coco.gg, immatriculé sur l'île anglo-normande de Guernesey, est associé depuis des années à plusieurs affaires policières ou judiciaires.

"Un terrain de chasse pour les prédateurs." Voilà comment Sophie Antoine, responsable juridique d'ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), décrit coco.gg auprès de l'AFP. Coco est à nouveau sous le feu des projecteurs. Ce serait en effet à travers ce site de discussion à la réputation sulfureuse que Philippe, un homme de 22 ans, aurait été victime d'un guet-apens meurtrier à Grande-Synthe (Nord) sur un parking dans la nuit de lundi à mardi. 

Selon les déclarations de deux agresseurs présumés, deux mineurs âgés de 14 et 15 ans mis en examen pour assassinat et placés en détention provisoire vendredi, ceux-ci auraient créé un faux profil sur coco.gg en se faisant passer pour une jeune fille mineure. Ils auraient ensuite donné rendez-vous à Philippe avant de le passer à tabac.

Le site, qui existe depuis plus d’une décennie et se revendique "premier tchat de France", est très défavorablement connu pour son absence de modération, laisse proliférer toutes les dérives : images pédocriminelles, propos racistes, antisémites ou homophobes, apologie de la violence, vente de substances illicites, etc. 

Pour entrer sur coco.gg, il suffit de donner son genre, son âge, son code postal et de se créer un pseudo, sans aucun contrôle. Sur la colonne de gauche de la page d'accueil, des thèmes comme "cuisine", "cinéma", "60 et +", mais aussi d'autres plus sexuels comme "femmes infidel" (sic) ou à connotation potentiellement pédophile tel "lycéenne". Sur la colonne de droite, des membres, avec leur pseudo, âge et ville. L’interface, qui ne conserve pas de trace des messages au-delà de quelques heures, rend plus aisées toutes les dérives.

Pédocriminels, violeurs, homophobes…

L'association SOS Homophobie a demandé la fermeture de Coco après le guet-apens dont avait été victime à Marseille début octobre dernier un homosexuel. "Il n'y a aucun filtre pour s'inscrire. C’est un repaire de prédateurs. C'est honteux que ce site soit accessible" à tous, dénonce auprès de l'AFP Véronique Godet, co-présidente de SOS Homophobie. Le site coco.gg est également dans la ligne de mire des associations de protection de l'enfance, comme Innocence en danger, qui avait elle aussi demandé sa fermeture en lançant une pétition qui a recueilli plus de 5000 signatures. Pour elle, coco.gg est "un site d'une accessibilité inimaginable qui regorge d'agresseurs en tout genre : pédocriminels, violeurs, homophobes, etc." Coco "est associé à des affaires policières ou judiciaires depuis quasiment aussi longtemps qu'il existe. Il est connu pour son absence de modération qui laisse proliférer les pires dérives", affirmait sa pétition. 

Dominique P., accusé d'avoir drogué sa femme avant de la livrer à plusieurs dizaines d'hommes, et qui sera jugé à partir de septembre 2024 à Avignon, utilisait ainsi ce chat, selon une source judiciaire. Comme le précisait Le Monde en juin 2023, Dominique P. avait utilisé "A son insu", une section de Coco proposant à des hommes d’afficher des photos dénudées de leurs compagnes prises et publiées sans le consentement de ces dernières, afin de recruter des hommes prêts à venir violer son épouse, qu’il droguait afin qu’elle ne se rende compte de rien. 

Un site immatriculé à Guernesey

En 2019, un père de famille brestois avait quant à lui été interpellé par la gendarmerie. Durant des années, celui-ci échangeait sur le tchat des images et vidéos pédocriminelles avec d’autres membres du site. Plus de 3000 images et 160 vidéos avaient été retrouvées sur ses disques durs. Les forces de l’ordre, conscientes de toutes ces dérives, utilisent parfois Coco pour piéger des pédocriminels présumés en se faisant passer pour des adolescentes.

L’absence de modération et de contrôle permet également à des participants de monter de véritables guets-apens. Avant l’agression mortelle de Philippe, trois mineurs, deux garçons et une fille, avaient été arrêtés à Limoges en février 2023. Ils sont soupçonnés d’avoir utilisé Coco pour tenter de piéger un quadragénaire, attiré par le prétexte d’une rencontre avec la jeune fille, puis roué de coups par les deux jeunes hommes. 

Coco.gg, auparavant Coco.fr, est immatriculé sur l'île anglo-normande de Guernesey, ce qui complique la possibilité d’obtenir sa fermeture. Comme l’indique Le Monde, Coco est officiellement la propriété d'une  société immatriculée en Bulgarie en 2021, appelée Vinci SA, qui n’a aucun lien avec le groupe de concessions et de BTP français. Ce site a auparavant été possédé par plusieurs autres sociétés, dont une immatriculée à Hongkong, et deux entreprises françaises, Zeroben et Zenco. Derrière ces structures, le propriétaire est identique : il s’agit d’Isaac S., un discret ingénieur de 43 ans installé dans le Var.


JC avec AFP

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